Les gènes des résistances au changement : trois cerveaux pour s’opposer

Extrait de Le Changement sans stress – Jean Paul Lugan – Edition Eyrolles

Il est aisé de deviner que les multiples dimensions de l’homme et son fonctionnement neurologique portent en eux naturellement les freins au changement. Vous comprendrez encore mieux, à la lecture des quelques lignes qui suivent, que ces trois instances que sont la TÊTE, le COEUR et le CORPS peuvent choisir de s’opposer au changement ou, au contraire, de le faciliter, selon qu’elles le trouvent confortable, agréable et pertinent.

Le premier filtre : le cerveau reptilien
Toute demande de changement exprimée par l’encadrement passe d’abord par la « perception » que va en avoir le cerveau reptilien. Il est le premier filtre et se pose immédiatement la question du danger potentiel que fait peser cette demande sur l’intégrité et le confort physique dont a besoin le corps. « Suis-je en danger si je change ? », « Cela va-t-il me demander des efforts supplémentaires ? », etc. Quels que soient les bénéfices que peut retirer l’individu du changement proposé, le cerveau reptilien s’y oppose d’emblée, cherchant à satisfaire les besoins de sécurité physique, mentale et affective. « Ça fait quinze ans que je fais comme cela. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer. Je n’ai ni l’âge ni les moyens physiques ou intellectuels pour le faire… » Ce genre de réflexion, fréquente, traduit la préoccupation centrée sur la défense du corps, celle qui a conduit Jacques au licenciement dans cette usine textile en proie aux difficultés financières et qui devait impérativement se restructurer pour assurer son devenir.

En choisissant de continuer à mobiliser des compétences parfaitement maîtrisées, mais devenues obsolètes pour l’entreprise, au détriment de ce qui aurait pu le rendre plus performant et employable, Jacques a perdu son poste. Ses vieilles compétences devenues « réflexes » l’ont desservi. Sans emploi depuis, Jacques nous dit au cours d’une réunion consacrée au reclassement des salariés : « J’aurais dû essayer. » La réponse donnée par le cerveau reptilien qui parle et qui dit « non » n’est pas toujours opportune au regard de l’intérêt de la personne.

Le deuxième filtre : le cerveau limbique
Si le cerveau reptilien ne perçoit pas de danger potentiel, la demande de changement va poursuivre son chemin, monter un étage et être traitée par le cerveau émotionnel appelé « limbique ». Il va « sentir » la demande et s’interroger : « Est-ce que j’aime ou non ce qui m’est proposé ? » L’objectif du limbique est de gérer au mieux l’environnement de façon à y associer les émotions de plaisir, recherchées par le coeur pour son plus grand confort affectif. À cette fin, il est donc attiré par ce qui lui procure du plaisir, ce qui le rassure, le valorise, et non par ce qu’il ressent comme un danger ou une prise de risque.

« La nouvelle organisation m’éloignait tellement de ce qui me plaisait et me motivait tous les matins que j’ai préféré être licencié. Je n’ai même pas cherché à rester, car le changement s’imposait », ajoutait Jacques pour justifier l’acceptation de son départ de l’usine.

Le troisième filtre : le néocortex
Comme pour Jacques, la demande d’information peut finir son voyage à l’étage du limbique, si elle est perçue comme non conforme aux objectifs poursuivis par le cerveau émotionnel. À l’inverse, si la demande de changement est appréciée comme plaisante et a obtenu « la permission » du coeur, elle peut poursuivreson chemin et être soumise à l’analyse du cerveau « rationnel », le néocortex .

Après la sécurité (corps) et le plaisir (coeur) associés aux deux cerveaux précédents, le rôle du néocortex est maintenant de traiter les informations avec lucidité. Les interrogations qui surgissent à ce niveau sont : « Est-ce bien/bon/pertinent/moral pour moi de changer ? »

L’objectif du néocortex est de permettre à l’individu de faciliter sa réflexion à travers le traitement efficace de l’information et cela, dans le but de parvenir à une prise de décision. « Le poste proposé par ma direction me plaisait, mais j’ai dû le refuser car il m’éloignait de ma famille. J’avais des devoirs de père et rien d’autre n’avait plus de prix à mes yeux », témoigne Patrick, responsable logistique au sein d’un groupe de transport.

Toute transformation proposée à un individu remet en question l’équilibre intérieur qu’il s’est construit au fil du temps. Pour cette raison, il n’éprouve aucunement le besoin de changer de comportements (CORPS) parce que l’acquisition de ceux-ci lui ferait prendre des risques dont la « récompense » la plus probable serait de ressentir de la difficulté (COEUR) et/ou de recevoir des critiques (TÊTE). En outre, alors que le COEUR donne de l’énergie au travail, la TÊTE en dépense. Pour cette raison et dans un souci d’économie, ne pas réfléchir et ne pas changer est d’un confort absolu.

C’est donc du dialogue entre ces trois cerveaux et de l’interaction avec les responsables hiérarchiques et l’environnement familial que vont surgir trois réponses possibles : l’adhésion au changement, le rejet de celui-ci, ou l’hésitation avec ce qu’elle génère de conflits intérieurs.

Ainsi, la constitution neurologique de l’individu est un frein au changement. Sommés de faire un choix entre un présent confortable et un futur en construction pour l’instant pénible à envisager, coûteux en énergie et comportant des menaces, les salariés sont généralement enclins à conserver le modèle organisationnel ancien.

Pour autant, l’individu peut réussir le changement et exprimer le meilleur de lui-même, à condition qu’il sache organiser un dialogue lucide et constructif entre les instances représentées respectivement par sa tête, son coeur et son corps.

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