Extrait de Manager avec courage – Jean Paul Lugan, Philippe Ruquet – Edition Eyrolles
La notion de plaisir, ce que l’individu aime ou n’aime pas faire, et la notion de compétence, ce qui paraît pour l’individu facile ou difficile à réaliser, paraissent être des critères de choix qui reviennent de manière récurrente, chez quasiment tous les types de personnalité. À ce titre, la perception de ce qui peut être facile ou difficile est directement liée aux croyances – plus ou moins dynamisantes ou limitantes – qu’une personne construit sur elle-même.
De façon générale, l’homme (terme générique employé ici au sens large), oriente en premier le choix de ces actes vers ce qu’il aime faire et ce qui lui paraît facile. Cela lui permet d’être dans sa zone de confort, autrement dit dans une situation où la mobilisation de ses aptitudes intellectuelles, émotionnelles et corporelles, est aisée pour lui. À l’opposé et s’il s’y contraint, il accomplira des actions qu’il n’aime pas faire et qui présentent un caractère difficile. Situé là dans sa zone d’inconfort, il a du mal à se mobiliser car il a peu d’envie et peu de compétences pour agir. Ainsi, le courage vient compenser le manque d’envie, ou de motivation : si nous ne sommes pas motivés, nous devons avoir du courage.
“Quand un cadre n’aime pas animer son équipe, il se réfugie dans les dossiers » observe un gestionnaire de carrière dans une grande entreprise française de transport de personnes.”
La position de chaque individu dans ces zones fluctue en fonction de l’instant, de la nature des tâches, de la perception de sa capacité à faire face à la situation, et d’un ensemble de critères dont les interactions constituent des éléments de sa motivation, ici et maintenant.
On peut ainsi évaluer le courage mobilisé ou à mobiliser, comme de nature et de degré différent, selon l’espace de confort où il se situe, et en interaction directe avec sa motivation.
Arrivé à ce stade de notre raisonnement, il devient facile de comprendre qu’un manager placé dans sa zone de confort ne mobilise aucune force intérieure pour agir car le sens, l’envie et la compétence sont là. Un second constat est que la peur permet au courage d’être. Dans sa zone de confort, l’individu est effectivement émotionnellement stable, et n’a effectivement pas « de besoins de courage » (coeur), ni de « raison d’être courageux » (tête) ; il agit donc avec facilité et fluidité (corps). Par contre, pour accomplir ce qu’il ressent comme déplaisant et difficile, il lui faudra beaucoup de détermination pour affronter le danger et par conséquent le risque de revers à « faire ».
Comme Corinne le signalait, « la première fois que j’ai réuni mon équipe, cela fut difficile émotionnellement. Me retrouver devant quinze collaborateurs alors que je n’avais jamais organisé de réunion fut une épreuve dure à surmonter. »
Cela n’est pas sans conséquences sur l’estime de soi, que chacun devra savoir maintenir à un niveau acceptable intellectuellement, émotionnellement et physiquement – y compris dans des situations que nous percevons comme un échec.
Le simple fait de relever physiquement la tête d’abord est une première étape pour pouvoir garder sur soi un regard positif. Avoir du courage, c’est ainsi regarder la non-réussite comme une réalité de la vie, une erreur de stratégie ou de moyens employés, et non comme un échec personnel. L’erreur devient un échec si elle est reproduite à l’identique. Si son auteur ne se sert pas des leçons profitables de sa première méprise, il va essuyer de multiples revers aux conséquences et aux effets néfastes pour lui et son équipe. Ainsi, l’évaluation est une étape courageuse de l’expérience de vie. Si par contre, l’erreur est utilisée comme enseignement pour persévérer de manière différente, elle est une source intarissable d’apprentissage et d’enrichissement. En surmontant la souffrance, nous en faisons une ressource.
Au regard des choix qui guident ces actes, être courageux, agir « courageusement », c’est surmonter deux obstacles :
- l’absence de plaisir et l’absence de compétence, qui traduisent le défaut de motivation ;
- la peur de ne pas réussir.
Les spécialistes de la motivation, et notamment le modèle de Vroom (1), expliquent comment et en quoi ces facteurs sont liés.
De l’évaluation que chacun fait des écarts entre ce qu’il peut faire, ce qu’il sait faire et ce qu’il veut faire, et de l’analyse qui en découle, chacun prend conscience de ses manques personnels. Cette défiance dans son rapport au monde se traduit facilement par de la souffrance, autrement dit par la difficulté émotionnelle à vivre le déplaisir d’une action dénuée de sens et d’énergie. L’individu pourra se sortir de cette impasse émotionnelle s’il possède une posture éthique envers lui-même, qui le conduit à se dépasser et à agir. Et ce même s’il encourt le risque, en redéfinissant ses priorités, de ne pas satisfaire ses propres besoins pour combler ceux des autres. Il le fera au nom de ses engagements et du respect qu’il a de lui-même.
Dans cette optique, c’est en visualisant intérieurement la finalité qu’il souhaite atteindre, et en la traduisant en objectifs qu’il parviendra à tenir une situation défavorable pour lui et les autres. En outre, il sera en capacité d’associer deux composantes du plaisir :
- celle de l’état interne atteint lors de la transformation de l’objectif en réussite, qui est de l’ordre du ressenti et des émotions ;
- le fait de s’être donné les moyens, d’avoir dépassé des limites pour y parvenir. Elle est de l’ordre de la prise de recul, et de la construction du sentiment, par exemple la fierté.
Une fois que l’individu a accédé au sens, porteur d’énergie et qu’il a mesuré l’écart entre sa volonté, ses capacités et ses possibilités, il lui reste encore à trouver des ressources mentales, émotionnelles et corporelles lui permettant de s’engager dans une action courageuse, avec succès.
1. Développé en 1964 par Victor Vroom.
Pour aller plus loin :
Formation : Exprimez votre courage managérial