Extrait de Le Changement sans stress – Jean Paul Lugan – Edition Eyrolles
Le rescapé ou la victime d’une réorganisation n’est pas toujours du côté où on le croit. Ainsi, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, le survivant peut faire partie de la liste des gens licenciés.Comme le souligne Paul, responsable produit au sein d’une entreprise de cosmétiques : « Quand l’entreprise a proposé un plan de départ volontaire, j’ai aussitôt postulé. Rester dans cette entreprise était devenu pour moi difficile. Si cela avait été le cas, je l’aurais très mal vécu. Je ne partageais plus rien avec la direction. J’ai eu la chance de faire partie de la charrette. »
Il est fréquent de retrouver des victimes parmi les salariés conservés.
Une réorganisation du pool d’assistantes de direction dans une banque d’affaires française n’a pas permis à Hélène de partir en préretraite alors qu’elle souhaitait quitter l’entreprise. « Quand j’ai vu que j’étais conservée, j’ai proposé au service des ressources humaines de partir à la place d’une de mes collègues plus jeune qui avait été embauchée il y a tout juste un an. Ils ont refusé et préféré me garder car je leur aurais coûté trop cher en indemnités de licenciement. »
Le statut de rescapé ou de victime dépend de la perception qu’a le salarié de son sort dans l’entreprise au regard des résultats obtenus pour sauver sa peau.Si le salarié a le sentiment d’être une victime, il est inéluctablement habité par deux sentiments très distincts et très complémentaires : les sentiments d’injustice et d’insécurité.
Comme le souligne Claude Fabre, le sentiment d’injustice naît chez un salarié du fait du mauvais traitement par la direction des ressources humaines d’un certain nombre de paramètres tels que :la définition des règles de sélection des rescapés, la comparaison sociale des salariés entre eux, la clarté des explications fournies par la direction sur les vraies raisons du changement, les compensations accordées aux victimes du changement, la répartition et l’importance des réductions d’effectifs.
Le sentiment d’insécurité, quant à lui, apparaît suite à l’estimation que fait un salarié de trois paramètres. La première évaluation porte sur la probabilité que le changement annoncé va réellement avoir lieu. « Depuis le temps qu’on nous en parle, on n’a jamais rien vu venir. Je n’ai pas à m’en faire », témoignait un salarié, alors que le changement annoncé survint un mois plus tard.
La deuxième évaluation a trait à sa capacité à empêcher que cette menace ne le frappe. « Je n’avais pas peur pour mon poste. Il était unique et indispensable à la bonne marche du service », se vanta Jacques lors d’une restructuration. Quelques semaines après cette interview, il fut déplacé dans un autre service et son poste supprimé.
La troisième évaluation a pour objet la gravité potentielle des conséquences de ces changements sur sa vie personnelle et professionnelle. « Quand la direction a décidé de déplacer notre usine de production à 40 kilomètres de là où nous étions pour des raisons de logistique, je me suis posé tout un lot de questions : si je refuse de suivre l’équipe, serai-je en capacité de retrouver un poste dans ma ville ? Pourrai-je subvenir au besoin de ma famille avec mes indemnités de chômage ? Comment mon conjoint allait-il le prendre ? Combien de temps allais-je perdre en transport tous les jours ? », rapporte Danièle, opératrice de ligne dans une usine de fabrication de composants électroniques.
C’est de la perception qu’a le salarié de ses capacités à contrôler la situation et à être respecté que vont naître ou pas les sentiments d’insécurité et d’injustice. Pour éviter l’apparition de ces deux sentiments, facteurs de baisse de la performance , les directions des ressources humaines doivent prendre la mesure de ce qui les nourrit et mettre en place un dispositif adéquat visant à diminuer l’importance de chaque élément déclencheur. du côté où on le croit. Ainsi, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, le survivant peut faire partie de la liste des gens licenciés.
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