Pas facile d’être en désaccord avec une décision de sa hiérarchie, et en même temps, la porter en tant qu’adjoint avec son cœur et son corps. C’est pourtant à ce prix que la relation dans un couple managérial fonctionne et trouve sa pleine expression. C’est ce que doit attendre Emmanuel Macron de son Premier ministre. C’est ce que doit attendre un patron de son adjoint. Alors que doit faire un manager de ce conflit intérieur ?
Aller présenter à son équipe une réorganisation, l’abandon d’un projet, une annulation des recrutements reste un exercice difficile. Difficile car l’adhésion n’y est pas quand on a défendu des contre-arguments à ces décisions qui n’ont pas été entendus. Dès lors, il reste un goût amer de devoir porter une décision non partagée. La colère monte car la restructuration doit être conduite, avec la mise sur le carreau d‘une partie des collaborateurs en poste, alors que les résultats sont bons. Frustration de devoir renoncer à un projet alors que les études prospectives montrent de fortes chances de bénéfices. Déçu de devoir renoncer à un recrutement mérité, et qui est attribué à une autre direction. Tant de décisions de direction d’entreprise ou venant de notre hiérarchie qui ont du mal à passer. Mal à l’aise, le manager n’a plus alors que deux seuls recours : dissocier ses différents rôles et rester loyal.
Dissocier ses rôles. Une fois que le manager s’est exprimé pour défendre son point de vue sur la stratégie d’entreprise, il a ensuite le devoir de porter celle-ci auprès de son équipe avec détermination et dynamisme. Pour y parvenir, il doit dissocier son rôle de manager pensant de son rôle de manager motivant. Si le premier est réservé à sa relation avec sa hiérarchie, le second est réservé à sa relation aux équipes. « Penser et débattre » avec son chef et « conduire et motiver « ses équipes. C’est le devoir du manager : donner l’envie à ses équipes quelles que soient les décisions prises.
Etre loyal. Le deuxième recours pour réguler cette tension intérieure, née de la cohabitation entre la colère à dissimuler et la détermination à afficher, repose sur la loyauté. Elle est une valeur qui guide le manager dans l’accomplissement de ses prérogatives et le respect des interdits liés sa mission. Le devoir de porter une décision injuste et l’interdiction d’exprimer à son équipe son désaccord avec la stratégie. Fort d’une posture loyale à toute épreuve, le manager protège également sa hiérarchie. En ayant recours au discours et aux actions adéquats il maintient la paix sociale et la mobilisation des équipes. En retour, il recevra la confiance de son supérieur. Car la loyauté induit la confiance, essentielle dans un binôme de managers.
Au final, si la loyauté peut créer de l’inconfort, elle produit malgré tout certains bénéfices : être apprécié et reconnu digne de confiance, se faire une place là où d’autres ne seraient pas légitimes, faire l’apprentissage de la capacité à vivre en dissonance entre la raison et le cœur, contribuer au succès de la mise en œuvre des mutations nécessaires à l’entreprise même s’ils sont mal perçus. Enfin, la loyauté développe l’altruisme, car elle exige de faire passer l’intérêt général de l’entreprise avant son propre intérêt ou confort, et de savoir rester solidaire de sa hiérarchie en toutes circonstances. Si le désaccord affiché doit prendre le pas sur la capacité à porter des décisions de l’entreprise, la démission reste le seul moyen pour respecter à la fois son intégrité et sa hiérarchie.